Les sorties vélo du dimanche matin...et aussi des autres jours...

Il paraît que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt et que le sport de bon matin, c’est excellent pour la santé. Plutôt que d’aller à la messe, puisqu’on entre en cyclisme comme en religion, le coureur en club ou le cyclo, préfère la traditionnelle sortie du dimanche matin. Celle-ci est source de beaucoup d’excès, d’erreurs cumulées et de comportements répréhensibles quand ils ne sont pas complètement idiots.

De nombreux pratiquants ne dérogent pas à la règle. Dimanche, c’est vélo. Et de bonne heure si possible, pendant que le conjoint ou la conjointe dort encore. En partant tôt, ils sont sûrs de rentrer pour l’heure du gigot, tout en espérant avoir encore assez d’énergie pour partager les activités familiales de l’après-midi, ou pour faire la sieste devant le sport à la télé. Cela se défend. Surtout quand l’emploi du temps du reste de la semaine est tiré au cordeau. Mais ce qui est agréable d’avril à septembre peut rapidement se transformer en corvée d’octobre à mars

Très vite, ils avancent le rendez-vous à 8h30, voire à 8h, pour pouvoir caser leurs 100 bornes. Avec le froid qui pique, c’est meilleur. Sentiment du devoir accompli et bien-être évident au retour, même si on tombe du nez sur la blanquette de la belle-mère. Quelques-uns passent leur tour en cas de pluie. La plupart se rend au rendez-vous bon gré mal gré, en rouspétant et en s’accordant une dizaine de kilomètres d’une vague hésitation, en jouant, parfois avec malice, à celui qui ne passe pas le premier relai. C’est d’ailleurs l’un des jeux favoris de la sortie club du dimanche. Prendre les roues et se cacher du vent. À quoi servirait une sortie en groupe si ce n’est pas pour prendre le sillage des plus vaillants ? Pour les flinguer à la fin et arriver premier sur le parking, tant qu’à faire.

Car la sortie club du dimanche matin, à moins d’appartenir à un groupe hyper sélectif ou à des coureurs hyper motivés, est à l’image des petites bassesses que l’on rencontre au quotidien. On profite, on filoche, on s’accroche et on en tire quelques bénéfices qui mettent en valeur notre ego. Seule une organisation quasi militaire peut contraindre les réfractaires à faire leur part de travail, à accepter d’être divisés en deux ou trois petits groupes, pour que chacun travaille et participe à faire progresser les autres. Une organisation souvent mal vue et qui provoque scission au sein d’un club. Un entraîneur trop vertueux est rapidement mis sur le banc de ceux qui tiennent la baraque depuis des années de mauvaises habitudes.

Mettez deux éventails en ordre serré à 100 m d’intervalle et observez : il y en a toujours un qui se sent vexé de ne pas appartenir au premier groupe et qui tente la jonction. Certains perdent toute notion de partage ou de gestion, de la sortie ou de la saison sportive. La sortie du dimanche se transforme en course, où l’on a du mal à évoluer entre un effort de relaxation bien caché dans les roues et la lutte violente en tête de groupe ou en fin de sortie pour montrer qu’on est le plus fort. Très souvent, la sortie du dimanche en groupe est contreproductive à la progression, et ceux qui écrasent les pédales en décembre sont strictement au même niveau en juin parce qu’ils ne prennent pas le temps de travailler les bases.

On peut rétorquer à juste titre que cette messe dominicale a aussi ses vertus sociales. Voir les copains du dimanche, c’est quelques heures de respiration au milieu d’une semaine de stress au boulot et des obligations familiales. On papote, on rigole, en embrassant la même passion. On parle vélo, matériel, objectifs, préparation, bagnoles, filles ou derniers investissements financiers. Sauf qu’un groupe de plus de deux cyclistes se transforme rapidement en troupeau sans un minimum de discipline. Il faut reconnaître que passer toute la sortie aux côtés du même compagnon, c’est se priver des blagues du troisième larron.

Mais la route est dangereuse, même le dimanche matin. Dans certaines régions, les petits pelotons de cyclistes pullulent, et souvent en ordre dispersé. On oublie l’environnement, on roule à trois voire quatre de front, et en cas d’accélération à l’avant du groupe, on va jusqu’à déborder sur l’autre côté de la chaussée pour s’abriter dans l’éventail. Une folie sur route ouverte. Peu conscients du danger, les néo-cyclistes, ou avec encore peu d’expérience, sont les pires. Ils pensent que la règle des 1m50 s’applique à deux cyclistes entre eux. Mettez-en un troisième de front, et il roule au milieu de la chaussée. Ce sont les premiers à vanter les mérites du casque et des freins à disque (pour la sécurité), mais surpris par un rétrécissement de la chaussée, ils peuvent couper un virage en descente, prendre un rond-point à l’envers (si, si…), et faire un doigt d’honneur à un automobiliste qui manifeste sa volonté de les dépasser.

Des comportements ahurissants qu’on ne voit souvent qu’en groupe, comme si l’être fragile posé en équilibre sur deux roues perdait tout sens du danger dès lors qu’il est accompagné par quelques compagnons de courage. Car il en faut pour se lever le dimanche matin avant l’aube et arpenter la campagne à coups de pédalées, pieds et mains engourdis par le froid, armé d’un équipement qui fait la risée de notre propre famille.

La sagesse ne serait-elle pas de rompre avec les habitudes, de respecter son corps en partant plus tard, de rouler moins longtemps, mais mieux, et d’avoir la volonté de se construire un plan de progression individuel et suivi qui oblige à s’impliquer.

Pour que les sorties du dimanche et des autres jours restent toujours un plaisir.


SOURCE DE CE TEXTE SAT
IRIQUE : https://www.3bikes.fr/cqfd/